Intraprendre pour Entreprendre. Et si la fin | faim justifiait les moyens ?
Courte histoire de Fredo, première spin-off de Groupama.
Fil de l’histoire :
La fin(alité) → Le projet ne pouvait voir le jour sans entreprendre, l’intrapreneuriat fut une étape préalable.
La faim → Pour aller encore plus loin, apprendre à pêcher et se surpasser pour le projet.
Commencer par la fin.
Lundi 15 février 2021, la première spin-off de Groupama est créée : Fredo.
Après deux années de développement au sein de la cellule innovation de Groupama Rhône Alpes Auvergne, nous venons, avec mon associé Théo Roussely, de franchir le cap de l’indépendance.
Avant-propos sur quelques-unes de nos aspirations :
- Nous sommes conditionnés par notre environnement (bien que l’on arrive à prendre un peu de recul)
- Nous sommes convaincus de la nécessité d’agir et de créer pour faire valoir des convictions (elles-mêmes liées à notre conditionnement)
- On adore mettre les mains dans le cambouis et fédérer autour d’une idée, d’un prototype, puis d’une “innovation”
- Il existe 1001 autres façons de faire ce qu’on a fait / faisons / allons faire
- On n’aime pas les citations pédantes mais celle-ci illustre bien notre état d’esprit :
Dans la vie, il y a deux catégories d’individus : ceux qui regardent le monde tel qu’il est et se demandent pourquoi, et ceux qui imaginent le monde tel qu’il devrait être et qui se disent : pourquoi pas ? — George Bernard Shaw
Ces dernières années, nos actions, nos doutes et nos aspirations ont été multiples. La finalité ? Entreprendre, en roue libre, diffuser nos idées, nos certitudes, pour réinventer notre environnement et le rendre (espérons-le) plus sain et durable.
Intraprendre chez Groupama.
Mise en contexte
Après une rencontre fortuite avec Philippe Vayssac, responsable de la cellule innovation de Groupama Rhône Alpes Auvergne, j’intègre l’entreprise en tant qu’intrapreneur début 2019.
Philippe est ma première grande découverte : un “cygne noir” ou un intrapreneur dans une entreprise “traditionnelle”. Persuadé que l’imprévisible fait partie des règles du jeu pour innover, il nous permettra de renverser certains dogmes et ainsi créer le fil de notre propre histoire. On y reviendra.
Le brief de départ est donné : créer un produit et/ou un service innovant pour Groupama. Large sujet.
À la différence de beaucoup d’intrapreneurs, j’ai été embauché pour créer un projet de toute pièce. Pas pour améliorer un process existant. Ni pour créer un nouveau modèle destiné à booster (directement) l’efficacité économique de l’entreprise.
La baignade dans la culture d’une cellule innovation au sein d’une entreprise “traditionnelle” débute.
Le mode d’action en interne : Rester au sec
Loin des Labs R&D ou l’on pourrait imaginer prédire l’avenir d’un produit révolutionnaire et dont les projections à 5 ans permettraient de convaincre la direction pour financer le fameux “horizon 3” (cf article “McKinsey’s Three Horizons Model Defined Innovation for Years. Here’s Why It No Longer Applies.”), nous avons eu la chance d’intégrer une cellule dotée d’une posture simple :
- Il faut suivre une méthodologie de projet (Design Thinking)
- et des principes entrepreneuriaux (Effectuation)
- puis faire, montrer et faire adhérer pour convaincre et continuer de nourrir le projet.
Changement de paradigme donc quand on parle “innovation” et quand on explique notre mode d’action.
Sous le parapluie de Philippe, à l’abri des averses (bataille politique ; inertie des process etc..), on agit sans (trop) se préoccuper des biais culturels qui séparent la cellule et l’entreprise. Cela nous permet de sortir des modèles organisationnels et de passer à l’action.
La fin des sprints sur des étapes clés (enquêtes terrains ; maquettages et prototypage ; tests utilisateurs ; preuve de concept ; de marché etc…) font les beaux jours de la cellule et de ses intrapreneurs.
Cela nous arrive de fermer le parapluie et de nous exposer un peu plus au soleil. L’objectif reste le même : faire, montrer et faire adhérer 🔽
Innover par l’usage : Fini la R&D ?
L’avancée technologique, désormais dans les mains de novices ou d’experts en marketing, de financiers, de commerciaux, offre de nouvelles opportunités et accélère le changement. Ainsi, la high-tech ne suffit plus pour justifier des milliers d’euros de dépenses dans des cellules innovations. Il faut trouver de nouveaux leviers.
Pour nous, team Fredo, une simple API connectée à un/des outil(s) permet désormais un nombre infini de possibilité pour innover par l’usage en s’appuyant sur une économie de fonctionnalité.
Notre terrain d’expérimentation est facilement atteignable. Ce sont nos villes, entreprises, institutions publiques … tous les espaces où se trouve l’utilisateur d’un service de mobilité.
La complémentarité des « sciences dures » (ex : développement informatique) et des « sciences molles » (ex : veille sociologique) casse les silos et nous permet de passer à l’action pour convaincre et innover.
Fredo n’a d’ailleurs pas convaincu grâce à la technique (la preuve en est ci-dessus, un cadenas en carton, puis en bois, puis celui d’un fabricant …) mais grâce à la réponse que nous formulons aux problématiques rencontrées par des administrateurs et des utilisateurs.
En bref, la techno est au service de l’Homme, et non pas l’inverse ! On ne mise pas sur l’avenir d’une techno pour innover.
On s’immerge dans des problématiques, bien réelles, pour essayer de réinventer notre environnement avec ce que nous avons sous la main.
Le projet : une entité à part
Il était important de décorréler le projet et nous, individus, pour deux raisons :
1- éviter de se braquer quand on entend “mais c’est naze !” (le projet) et chercher à comprendre pourquoi, dans une démarche d’amélioration continu
2- agir pour le développement du projet et non pour soi
C’est peut-être là, le point de rupture entre le salariat et l’entrepreneuriat.
Ne projetant pas de “monter” en grade dans l’organisation, on évite ainsi tous biais politiques. En s’émancipant d’éventuelles frustrations, nous étions d’autant plus engagés pour voir le projet, entité à part, se développer.
Cela n’empêche en rien de “jouer des coudes” pour obtenir du soutien en interne. Seule la finalité change : intraprendre pour entreprendre (donc sortir de notre confort salarial) et faire grandir Fredo.
Avoir les crocs.
Sortir de notre confort
En pleine crise sanitaire, au moment où les premières échéances de nos remboursements d’emprunt étudiant commencent à tomber, on a décidé de sortir du salariat.
Et pourtant, nous nagions en plein confort : salaire, budget, conseil externe/interne, reconnaissance … d’autant de facteurs qui nous “enferment” dans un environnement propice à la prévisibilité, la projection, et le contrôle.
Au sommet de la pyramide, on a donc décidé de la renverser pour se frotter aux besoins de sécurité et d’appartenance aux différents groupes d’entrepreneurs que nous côtoyons, souvent à la sortie d’études et sans salaire. La faim pour avancer, croître, se développer.
Changement de posture donc : nous ne séduisons plus notre employeur mais nos prospects/clients pour développer Fredo.
En résumé, l’intrapreneuriat nous a appris à demander du poisson pour nourrir le projet, l’entrepreneuriat à pêcher.
Maman, ne t’inquiète pas
On a tout de même dé-risqué notre situation. L’intrapreneuriat est un excellent tremplin vers l’entrepreneuriat. Il nous permet aujourd’hui de :
- Capitaliser sur 2 ans de développement de projet, de suivi méthodologique et de mise en réseau
- Être suivi par notre ancien employeur, Groupama, désormais associé et actionnaire à hauteur de 20% dans la structure. Gage d’assurance pour nos partenaires /clients
- Bénéficier du chômage pour monter l’activité
- Viser un “middle market”, ces marchés peu prisés car :
▶ ️temps de développement/coût important pour des entrepreneurs qui veulent se lancer
▶ ️taille/rentabilité peu significative pour des “gros” acteurs déjà en place (frais opérationnels, humains, logistiques …).
En-fin | En-faim.
Tout reste à faire
Intraprendre pour entreprendre, entreprendre pour développer Fredo, développer Fredo pour réinventer notre environnement etc… il est bien difficile de commencer par la fin.
Depuis 1 semaine (début de la rédaction de l’article) on a : signé 3 clients, élargi notre offre produit, identifié de nouveaux marchés … on aime agir dans le présent.
Alors en haut ou en bas de la pyramide ? besoin de sécurité ? d’appartenance ? d’accomplissement ? peu importe, il ne s’agit plus de nous.
On part à la pêche pour nourrir Fredo.
Bonne fin d’appétit à tous !
Toujours pas rassasié ? On en discute ? ▶ thomas@fredo.fr